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Paris 2024 : comment les outils technologiques ont inondé les bassins de natation

Michel Chrétien a longtemps joué les « commandant Cousteau » de la natation française, s’improvisant apprenti réalisateur dans les profondeurs des bassins. Le coach emblématique avait un spécimen de choix à filmer lorsqu’il entraînait Jérémy Stravius à Amiens : avant Léon Marchand, le Picard (champion du monde du 100 m dos en 2011) est le premier à avoir magnifié la coulée, cette phase sous-marine qui fait gagner de précieux dixièmes au nageur sachant imiter le dauphin.
« On avait placé de façon empirique des caméras sous l’eau et pour évaluer la profondeur, on avait mis des perches graduées de demi-mètre en demi-mètre. On savait à quel endroit Jérémy entrait dans l’eau, on calculait la vitesse en mètre/seconde en mettant des repères, c’était complètement artisanal… », se souvient celui qui entraîne aujourd’hui notamment Maxime Grousset, champion du monde en titre du 100 m papillon.
A l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), où il est arrivé en 2018, le technicien de 66 ans dispose d’un « laboratoire » digne de ce nom : le bassin de 50 mètres est équipé de 20 caméras (dix sous l’eau, dix en dehors), dont les images sont retransmises en temps réel sur grand écran.
Ce mercredi de mars où le panneau de décompte à l’entrée de l’usine à champions indique « J − 135 » avant les JO 2024, une équipe de scientifiques a investi la piscine. Leurs cobayes du jour, Maxime Grousset, Emma Terebo ou encore Hadrien Salvan, enchaînent les sprints d’une dizaine de secondes, un harnais à la taille relié à un élastique de plus en plus tendu.
« On étudie le rapport entre la force et la vitesse, sous-titre Ricardo Peterson Silveira, chercheur à l’université Rennes-II. A la fin de la séance, chaque nageur va avoir son profil hydrodynamique. » Sont ainsi mesurées, entre autres, l’efficacité propulsive et la puissance de nage, deux « obsessions » que cherchent à améliorer tous les nageurs.
L’exercice fait partie du projet Neptune, lauréat du programme « sport de très haute performance » lancé par l’Agence nationale de la recherche en vue des Jeux 2024. Son but ? Développer des outils d’aide à la gestion de course à destination des entraîneurs de natation et de leurs élèves. A l’image de ce projet de recherche, la data envahit désormais les bassins.
La science apprend de mieux en mieux à décrypter ce que voit l’œil du coach, et à le rendre mesurable. « C’est un moyen supplémentaire pour évaluer les progrès. Souvent, ça corrobore mes intuitions », constate Michel Chrétien. « La vidéo m’a beaucoup aidé à progresser sur les plongeons, les coulées et les reprises de nage », atteste Maxime Grousset. Le recours à cet outil technologique n’est pas nouveau, certes, mais tout s’est accéléré ces dernières années. « Il y a vingt ans, il fallait décharger les données pendant des heures, les rendre étanches… », contextualise Robin Pla, responsable scientifique à la Fédération française de natation (FFN).
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